lundi 4 janvier 2010

Les Caillouet à Gaspé en 1758 ?

Le numéro de l'été 2009 [volume 46, numéro 1, 56 p.] du Magazine Gaspésie porte sur un dossier intitulé Gaspé, 475 ans d'histoire.

Un des articles intitulé 1758 : le grand dérangement de Gaspé [p. 27-29] est signé Raymond Laflamme, généalogiste, Montréal. Ce court article présente rapidement le passage de Wolfe à Gaspé et ses effets sur quelques membres de familles du coin.

Deux extraits portent sur Joseph Caillouet et se lisent comme suit :

«Joseph Caillouet, fils de Gilles et Marie-Anne Méthot et cousin de François-Jérôme Arbour, n'avait que 6 ans lorsqu'il fut capturé par les soldats de Wolfe. Ses parents, présents à Gaspé en septembre 1758, eurent la chance de s'enfuir au Cap Saint-Ignace avec leur deux autres enfants et s'établirent plus tard à Bonaventure. Joseph Caillouet, charpentier, vécut à Chantenay, Nantes. Il se marie le 9 novembre 1784 à Chantenay avec Élisabeth Leblanc, elle aussi déporté acadienne. Un enfant naitra de leur union en France et les autres dans leur nouvelle terre d'accueil.».


...

«Son cousin, Joseph Caillouet, vécut à Saint-James en Louisiane où il fut marguiller à l'église Saint-James en 1791. Il s'éteignit le 14 octobre 1815 à Convent à l'âge de 63 ans. Il aura lui aussi une nombreuse descendance par ses cinq enfants. Tout comme le patronyme Arbour, celui de Caillouet se propagera en Louisiane grâce à ce déporté de Gaspé.».


Qui est Joseph Caillouet ?

Les registres de la paroisse Notre-Dame de Québec pour le 7 août 1752 font état du baptême de «Gilles-Joseph», né la veille et premier enfant de Gilles Caillouet et Marie Anne Méthot. Il est l'ancêtre des Caillouet et Caillouette de la Louisiane et de quelques états américains.

Une remarque préliminaire

Il est important de noter qu'aucune source spécifique n'est citée pour les extraits reproduits plus haut si l'on fait abstraction d'une brève mention du journal de Thomas Bell, un des aides de Wolfe et d'un document de l'auteur intitulé Pionniers gaspésiens présents au passage de Wolfe [2008, 14 p.].

Des extraits cités plus haut quelques affirmations doivent être examinées de près et faire l'objet de commentaires.

Joseph Caillouet est le cousin de François-Jérôme Arbour

Les liens entre ces deux personnes s'établissent comme suit :
Joseph Méthot, un des frères de Marie-Anne Méthot la mère de Joseph Caillouet, a marié [Québec (Notre-Dame), 7 janvier 1743] Marie Josephte Picoron. Une soeur de cette dernière, Thérèse Picoron Decoteaux, a marié [Ste-Anne de la Pocatière, 9 octobre 1740] François Arbour, le père de François-Jérôme Arbour.

Le Petit Robert définit le terme cousin comme suit : se dit des enfants et des descendants de personnes qui sont frères et soeurs; dans le présent cas, il ne s'agit pas à proprement perler de cousins et les traiter comme tels est inexact.

Joseph Caillouet n'avait que 6 ans lorsqu'il a été capturé par les soldats de Wolfe

Le journal de voyage de Thomas Bell constitue de loin la meilleure source pour vérifier ou conforter une telle information. Vérification faite sur le microfilm de Bibliothèque et Archive Canada, il n'est fait nulle part mention dans ce journal d'un Caillouet capturé ou non. D'autres vérifications effectuées dans les articles de Mario Mimeault, le volume Histoire de la Gaspésie, et le livre [de même que dans l'importante documentation accessible en ligne] de Jean-François Mouhot Les réfugiés acadiens en France 1758-1785. L'impossible réintégration? donnent également des résultats négatifs.

Ses parents, présents à Gaspé en septembre 1758, eurent la chance de s'enfuir au Cap Saint-Ignace avec leur deux autres enfants

Les mêmes sources que citées plus haut ne permettent aucunement de conforter ces affirmations.

Par ailleurs en prenant en compte l'information déjà connue et disponible sur Gilles Caillouet et Marie Anne Méthot, nous sommes d'avis qu'il est peu vraisemblable sinon impossible que ce dernier ait été présent à Gaspé à cette époque. Ainsi, le 10 décembre 1756, Joseph Boutron dit Major vend une maison à Montréal à Gilles Caillouet et son épouse qui signent au bas de l'acte de vente [greffe Louis-Claude Danré de Blanzy]. De même, le 15 octobre 1757, ce couple baptise un enfant prénommé Jean Baptiste dans la paroisse Notre-Dame de Montréal.

Joseph Caillouet, un déporté acadien comme son épouse

Comme Joseph Caillouet est né à Québec en Nouvelle-France, il ne peut être qualifié d'acadien, et ce malgré le fait que son épouse soit elle une acadienne.


À l'évidence, plusieurs des affirmations de Raymond Laflamme sur les Caillouet à Gaspé ne peuvent être confirmées par les sources disponibles et, de notre avis, sont peu vraisemblables ou même erronées.

Mener des recherches en généalogie et en histoire de famille exigent notamment de la minutie et de la rigueur. Et, dans un contexte où des Acadiens sont concernés, de telles démarches sont rendues davantage difficiles en raison de la rareté, de la dispersion et du caractère lacunaire des sources disponibles. Dès lors, identifier correctement une personne mentionnée dans un document demande d'user beaucoup de prudence, ce qui ne semble pas avoir été le cas dans cet article.

En ce qui a trait à Joseph Caillouet, plusieurs questions légitimes se posent dont, notamment, quand et dans quelles circonstances s'est-il rendu en France et s'y marier en 1784? La réponse à ces questions n'est toujours pas connue et l'article de Raymond Laflamme publié dans le Magazine Gaspésie n'est d'aucune utilité à cet effet; au contraire, le lecteur est aiguillé sur de fausses pistes.


Nos remerciements à Philip Caillouet de Lafayette en Louisiane pour avoir porté une partie de ces informations à notre attention.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Very good piece